vendredi 28 octobre 2011

Mélancolia

Photo: Sascha Hüttenhain
J'ai l'âme à la mélancolie. Plus ''poétiquement parlant'',  j'ai mal à ma mélancolie.  le temps passe et il ne remplace pas le sentiment de perte pesant sur moi.  Vous savez les petits deuils de tous les jours.  Ceux que l'on baptise si facilement comme des petits naufrages insignifiants mais qui en dedans de nous, si on s'y arrête bien, peuvent nous rendent tristounets-tristounettes.  Y'a la perte de ne pas avoir eu des enfants faciles à élever.  De ne pas avoir été et être la meilleure mère au monde de mes canards d'amour, le sang de mon sang.  La culpabilité est le parfum de la mère.  Il peut puer, soit dit en passant. La perte de belles amitiés qui blessent autant que des amours terminés et déchus.  La perte de mon père.  La perte des capacités physiques et intellectuelles de ma mère. La plupart des gens n'aiment pas plonger dans leurs souffrances. Dans mon cas, je cohabite très bien avec elles.  Autant que faire se peut, vieillir c'est  aussi apprendre à faire des deuils. 

Comment vais-je un jour apprendre à faire le deuil de la danse ?  Trouver une autre passion comme l'écriture, je sais bien... mais à part mes doigts qui valsent sur mon clavier, les mots qui se bousculent dans ma tête et ma jambe droite croisée sur ma jambe gauche, le reste de mon corps veut constamment exploser et apprendre de nouveaux mouvements.  Je n'ai jamais arrêté de prendre des cours de danse même après avoir terminé d'enseigner.  C'est un besoin vital comme celui de respirer.  Actuellement, je fais le deuil de la compétence des professeurs. Autant vous dire que ça nivelle vers le bas.  Évidemment j'ai eu la crème de la crème, Milenka Niederlova, Jacqueline Lemieux Lopez, Laurence Gradus, Eva Von Gencsy, Iro Tambek et cies... pour ne nommer que ceux-là.   Je me retrouve avec de jeunes professeurs qui ont une formation en danse très limitée et j'essaie tant bien que mal de focuser uniquement sur leurs points forts. PAS FACILE à trouver, je vous assure !  J'ai l'impression qu'une bibliothèque de savoir vient de brûler et qu'il ne reste plus de livres disponibles !  Tout le monde se remplace, FOUTAISE ! 

Bon, bon, bon... je vais aller ''m'époumoner'' au Danza-Workout ce soir et demain... Rodin et Claudel des Grands Ballets Canadiens à Montréal.  La mélancolie c'est un peu un mal nécessaire pour apprécier par la suite la qualité des rencontres du hasard de nos vies, pour s'attarder à goûter l'autre comme si c'était la dernière fois.  Une dernière valse, une dernière danse, un dernier pas.  

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Faire le deuil de tout ce qui n'est plus possible ou accessible, c'est le plus difficile en vieillissant. La tête est toujours remplie d'envies, d'émotions, de désirs mais le corps et les autres vous font revenir à la réalité. C'est souvent cruel.
Martine

Maudit Cousin a dit...

Chère Nicole,

Il est intéressant que vous rapprochiez la mélancolie des deuils. L'humeur noire comme le veut l'étymologie grecque est souvent confondue avec la nostalgie, plus légère et surtout plus fugace. Cette profonde tristesse qui peut devenir dans certains cas pathologique est pourtant le lot de toutes et tous en vieillissant.

Il y a longtemps un vieil ami me disait déjà que le pire outrage que les années nous font subir est l'absence. Parfois avec le regret de ce qu'on ne peut plus partager de nouveau. Souvent avec le remord de ne pas avoir assez partagé ce qu'on pouvait dès lors. Comment expliquer aussi que certaines personnes ressentent presque physiquement les absents ? Sinon parce qu'ils avaient probablement pu tisser des liens indéfectibles avant leur disparition.

Sur mes terres on dit que lorsque des hommes (au sens humanité) ont été heureux en certains lieux, leur âme y demeure pour toujours, telle une force protectrice, une mémoire virtuelle de ce qui fût. Une fois encore une minorité d'entre nous peut les deviner, savoir qu'ils sont toujours là. Alors la mélancolie peut s'effacer un temps et l'inquiétude faire place à l'espoir.

Si on ne sombre pas en elle, la mélancolie est constitutive de notre personnalité. J'ai croisé des personnes qui prétendaient l'ignorer. Je les plains. Ne pas connaître cette souffrance ne permet pas d'apprécier ce qu'on a et ce qui reste à construire. Car c'est ainsi qu'on peut transformer cette faiblesse en force : savoir qu'on peut tout perdre en un instant fait regarder le monde et sa propre vie bien différemment.

Mais une fois de plus vous pointez le détail le plus important : outre les grands manques, c'est l'accumulation des petits deuils qui devient plus pesant. La vie nous offre bien d'autres alternatives, des chemins de traverse qu'on aurait superbement ignoré sans l'épreuve. Et comme on dit "le chemin est le bonheur".

En cela les arts sont une inépuisable mine d'épanouissement. Alors si vous faites le dernier pas, il ne sera "que" pas de danse car il vous suffira d'étendre votre regard pour trouver une autre voie.

La mélancolie, douleur sublimée.

Bien amicalement,

Maudit Cousin.

Nicole a dit...

Merci de la QUALITÉ de vos commentaires. Je suis choyée de vous avoir comme ''lecteurs''. Je suis certaine que vous êtes des personnes de qualité, de bien ''belles'' personnes. Mon petit doigt ne me trompe jamais.
Au plaisir, amitiés,
Nicole