mardi 28 mars 2023

La surcharge des ophtalmologistes

                                                               Crédit image: Pixabay
 

Je savais que les travailleurs de la santé étaient débordés. Ils le criaient haut et fort partout où ils pouvaient être entendus. De mon côté, depuis un mois, je constate leur surcharge comme patiente en ophtalmologie et c’est bel et bien vrai. Je voudrais presque m’excuser d’être celle qui augmente leurs grosses piles de dossiers.

Replaçons-nous vendredi dernier. J’attends d’entendre prononcer mon nom, patiemment comme de nombreux éclopés pour rencontrer l’ophtalmologiste de garde, car même avec un rendez-vous, c’est la procédure. Là, tout va bien, même si je constate que nous sommes bien trop nombreux. Je vois donc l’infirmière au triage, retour dans la salle d’attente, puis un autre infirmier afin qu’il me mette des gouttes qui dilateront mes pupilles (il verbalise à une collègue qui vient le voir qu’il est débordé comme toujours). Autre retour dans la salle d’attente. Et pendant que ma vision devient floue, je ferme les yeux et je relaxe. Enfin, j’essaie de ne pas penser à l’examen. C’est mon deuxième, je sais ce qui me guette. Tout d’un coup, mon tour arriva.

À priori, elle me sembla vive d’esprit et très énergique. Soudain, elle repartit comme une flèche, en m’affirmant qu’elle reviendrait. Ce qu’elle fit presque une heure plus tard. Les urgences n’attendent pas.

Bien assise, toujours de dos, la docteure scruta mon dossier.

— Bonjour Madame Laverdière.

— E, je ne suis pas Madame Laverdière, je suis Madame Simard.

Collée à son écran, elle me rétorque :

— Oui, c’est vrai. Je ne sais pas pourquoi je vous ai appelé comme ça. Bon, pourquoi êtes-vous ici ?

Tout en me résignant à parler à son dos, j’articule :

— C’est un suivi pour un décollement du vitré à la demande du Docteur X.

— On ne fait jamais de suivi pour ça. Pourquoi voudrait-il que je fasse un suivi ? Ah, je crois qu’il a vu quelque chose d’anormal. Il ne vous a rien dit ?

Elle a dit : anormal. Je veux partir, mais je reste évidemment.

— Non, rien.

— On va regarder !

Empressée, elle se détourne vers moi. Elle a bel et bien un visage !

Voilà que des gouttes atterrissent rapidement dans mon œil droit. De par mon précédent rendez-vous, je sais qu’elles devraient atténuer les manipulations et examens de la docteure débordée. Les gouttes sont-elles homéopathiques ? J’ai mal ! Je ne dis mot. Elle persiste et signe encore plus fort en poussant un médaillon dans mon œil qui emprisonne et empêche ma paupière de bouger. Bombardée de nombreuses lumières, je subis l’assaut. Si elle continue à pousser cet objet, je risque le décollement de rétine, quoiqu’elle pourrait me crever l’œil avant ! Je n’ose imaginer les injections, pensais-je.

Subitement elle enleva la rondelle collée à mon orbite avec la même délicatesse qu’on enlève un bouchon prisonnier dans la tuyauterie du bain, avec grande force. Aussitôt, elle retrouva sa position préférée, toujours sans me regarder, elle ajouta :

— Il y a quelque chose de vraiment anormal. Peut-être le glaucome. Je vous retourne au premier ophtalmologique que vous avez vu, disons dans un mois. On vous rappellera.

Celui-là avait un beau dos lui aussi, me suis-je souvenu.

— Je pars à la mi-mai pour l’Irlande. Est-ce que je pourrai prendre l’avion ?

Les bras en l’air, le rire facile, fixant son écran, le crayon en baguette, elle affirma :

— Que c’est ridicule, de vieilles faussetés ! Je ne comprends pas que les gens croient encore à ça ! Et le silence fut.

Déjà, elle ne me voyait plus, ne m’entendait plus. J’étais invisible. Au suivant.

Timidement, ma bouche articula un « merci » tout en empoignant mon manteau et mon sac. Du haut de mes 61 ans, je me sentis en avoir 10. Heureusement que je n’accorde pas d’importance à une certaine condescendance lorsque la personne me semble très compétente.

La révolution majeure en santé s’en vient à grands pas. Entre les branches, on entend parler de la mobilité du personnel et des ressources, d’une carte d’hôpital unique et que 20 % de médecins spécialistes devront prendre en charge plus de patients. De grâce, le poids du nombre me semble bien trop lourd pour les ophtalmologistes et leurs équipes. N’ajoutez plus rien, parce qu’avec une pratique inhumaine surchargée, ce sont eux que l’on retrouvera comme patients et cette fois-ci, le dos couché sur une civière.

vendredi 17 mars 2023

St-Patrick'ment vôtre !

 

                                                         Crédit photo: Site Pixabay

Mes yeux me jouent des tours. Il y a deux semaines, je me suis retrouvée à l’urgence, suite au conseil de mon gentil-adorable optométriste afin qu’un ophtalmologiste vérifie un possible décollement de rétine. Ce qui aurait nécessité une intervention rapide, opération dont je ne veux pas connaître les détails. Bref, je vous passe les examens pour aboutir au diagnostic du décollement du corps vitré, heureusement, beaucoup moins grave. Toutefois, depuis, j’ai un gros morceau sombre et des points flottants qui cachent le champ de vision de mon œil droit. Chaque jour, il persiste et signe. Beau temps, mauvais temps, fuyant la lumière, je porte mes verres fumés, à l’intérieur comme à l’extérieur. Seul moyen trouvé pour ne pas virer folle à suivre des cadavres encombrants.

Même si l’urgentologue m’a mis au parfum qu’il n’y avait aucun lien entre abus d’écran et décollement du corps vitré, j’en doute encore. Parce que je m’en confesse, cher Saint-Patrick, j’ai abusé de mon ordinateur en faisant des recherches qui n’en finissaient plus de mes ancêtres dans Ancestry. Scotchée à mon portable, les lunettes sur le bout du nez, en robe de chambre d'un vert douteux, débraillée, j’ai péché ! Excès qui m’a quand même permis de découvrir dans ma lignée, des filles du roi. D’élucider, grâce à des liens ADN avec d’autres membres, le père d’un ancêtre illégitime et de trouver quelques aïeuls lointains anglais, beaucoup de Bretons et de Normands, même si je n’ai pas encore dégoté le 3 % d’héritage irlandais-écossais. Et comme j’y vais en mai, je veux savoir ! Je n’ai pas une tête de mouton, j’ai une tête de cochon !

Au Québec, nous serions 400 000 personnes à avoir des origines irlandaises. Si vous avez des Morin (Moran), Barette (Barrett), Lahaye, Vogel, Brown, Paré, Riel (Reilly), Lemaire, Belley (Bailey), Aubry et j’en passe, et bien, vous avez peut-être du sang vert ! Il est intéressant de savoir que plusieurs noms de famille ont été francisés pour en faciliter la prononciation ou peut-être aussi l’intégration. Il y a beaucoup de Bretons qui proviennent des îles Britanniques, sans oublier les Harvey, Hébert, Joly qui ont des racines écossaises. Les vagues migratoires cachent bien des secrets et des histoires, c’est justement ce qui m’anime, que dis-je, ce qui m’obsède.

En ce 17 mars, fête des Irlandais, fête religieuse catholique du passé et populaire d’aujourd’hui, je propage l’un de leurs proverbes : « Y penser sans cesse ne labourera pas le champ ». Et comme j’ai davantage d’ancêtres de la France, je vous quitte, le vino m’attend. Bonne St-Patrick !