mercredi 14 août 2024

La reine de rien

(Fallait bien que je reste incognito ! :) ) 

Il faut que j’écrive. Vite, ouvre-toi mon portable adoré ! Est-ce que mes yeux et ses nombreux corps flottants vont m’en donner l’autorisation ? Il y a deux jours, le goût m’en est venu à la sortie de la douche. Depuis, je me sens comme une femme enceinte qui veut absolument son cornet de crème glacée aux saveurs bizarroïdes de chocolat et de cornichon à 3 heures du matin. Qu’est-il arrivé de si inspirant pour me redonner l’étincelle d’écrire ? Vous vous souvenez de Monsieur le Marquis ? L’homme de ma vie depuis quarante ans. C’est lui, le coquin, l’allumeur, il m’a fait rire. Quel pouvoir !

Je vous raconte…

Le marquis s’était allongé sur son fauteuil Bergère inclinable, blanc cassé avec le « pitonneux » (la télécommande) dans sa main droite. Allait-il s’y endormir encore une fois ? Dans 30 minutes, dans une heure ? Bref, ce n’était pas important, car je tournais en rond dans ma petite cuisine telle une vieille et nonchalante lionne en cage. J’étais à la recherche de ma bouteille (thermos) d’eau, mon indispensable.

— Chéri (ai-je vraiment dit : « chéri », oui, c’est tellement joli).

— Quoi ?

— Tu écoutes quoi ?

— Tu le vois bien, le tennis.

— Et qui jouent ?

— Rublev contre Popyrin.

— J’connais pas. Enfin ! J’ai trouvé ma bouteille, mon biberon ! Tu sais, avant, je pouvais boire l’eau tiède, presque chaude. Avant, je n’avais pas de bouffées de chaleur. Je supportais la canicule de l’été si facilement, alors l’an prochain, on achètera un climatiseur. Je change, je change… Je deviens une vraie princesse !

Pourquoi je dis tout haut ce qui me passe par la tête ? Pourquoi je ne me ferme pas le clapet ?

— Princesse ? Non. Je dirais plutôt une reine ! Le ton du marquis était assuré tel un connaisseur de grands vins.

— Et que tu es drôle (je me suis vraiment esclaffée) ! J’avoue, j’ai peut-être trop été élevée dans de la ouate.

— Moi, je suis le marquis. Je reste le marquis, toujours le marquis et tes souhaits de reine se doivent d’être comblés !

— Merci Monsieur le Marquis ! Tu viens de me donner le goût d’écrire sur mon blogue !

— Ah non, pas encore le marquis sur ton blogue ! Oublie-moi !

— Pas question ! Faut que je prenne l’inspiration où elle arrive. Elle se fait si rare.

— Va lire, pas écrire ! T’as pas une brique de Pancol de 760 pages à finir ?

— Oui, mais avant, je vais écrire !

— Je m’en fous ! Va, va…

Voilà. Je me suis couchée dans mon lit, les jambes repliées sur mon bedon, crayon au plomb dans ma main droite glissant sur une pile de feuilles lignées. Puis un brouillon émergea rapidement.

La porte coulissante en bois de grange entre la chambre et le salon étant ouverte, j’ai ajouté :

— Je m’amuse à faire des recherches sur Google. Savais-tu qu’à un certain âge, l’abeille reine, qui n’est plus féconde, sera chassée, même tuée par les autres abeilles ? Les vilaines s’en choisiront une autre pour survivre. Pauvre abeille reine ! allez, tu es vieille, on ne te veut plus ! Es-tu là ? Tu dors ?

— Non, mais ça ne sera pas long. Ouais, surprenant. Il y a de la hiérarchie partout, pas juste chez les humains. Je dirais que c’est une question de survie, c’est tout.

— Oui, je sais, mais c’est triste quand même pour la doyenne.

Je suis repartie dans mes recherches et le silence s’intensifia. Monsieur le marquis roupillait sur sa chaise comme un gros bébé avec les lumières et la télé allumées. Il n’est pas douillet, il dort n’importe où. La reine, elle, c’est autre chose. Elle a retrouvé son sourire comme les mots sur son clavier. Ce n’est pas rien pour la reine de rien.

mercredi 7 août 2024

Femme papillon

 


C’est un été chaud et humide que je savoure à grosses gorgées de volupté. Il y a tant de gens que j’ai aimés qui ne peuvent plus le faire. Je supporte bien la chaleur surtout allongée sur une imposante chaise suspendue, recouverte d’un épais coussin rouge dans mon boisé juxtaposé à la rivière. La plupart du temps, un vent s’y cache s’amusant à faire virevolter les feuillus. Une belle fraîcheur chatouille mon visage et le museau blanc de mon chien Charlie. Lui, couché entre mes jambes, il est au paradis. Mon cerveau s’engourdit au même rythme que l’eau qui y coule. Il y a de ces moments que je goûte en ayant l’impression d’être un gros paresseux accroché et suspendu à la branche d’un arbre. Est-il plus doué à ne rien penser ? Mon corps est au neutre, mais mon esprit voyage. En vieillissant, je deviens du papier de soie fragilisé, sans sa merveilleuse légèreté. Serait-ce le cancer de mon fils (il est en rémission), la maladie de mon conjoint (il a été sauvé), la mort d’un ami (l’été passé), qui me font me sentir si vulnérable ? Pourquoi faut-il que j’analyse tout le temps mes états d’âme ?

Bien que j’eusse préféré écrire sur autre chose (j’avais même commencé deux textes, l’un sur Biden et l’autre sur Céline), mon esprit me dicte celui-ci. Il sera songé et sera à prendre ou à laisser. Vieillir me rend anxieuse. Peut-être y a-t-il trop d’enterrements dans ma vie ? 

Nous sommes des humains de notre époque, mélangés avec plusieurs autres générations : la silencieuse (1930-1945), les fameux babyboomers (1945-1965), la « X » (1965-1980), les milléniaux « Y » (1980-1996), la « Z » (1995-2012), l’Alpha (2012-2022) et la Beta (2020-2040). Il y a de quoi s’y perdre ! Mon petit doigt me dit que nos traditions et nos croyances appartiennent à la période que l’on vit. Une dilution progressive s’effectue naturellement jusqu’à disparaître avec le temps. Perdurer est une utopie et justement, avancer en âge nous en fait prendre conscience, trop d’ailleurs. Nous sommes des feux d’artifice, le moment d’un instant. Plus chanceux que la plupart des papillons qui n’existent qu’une journée à quelques semaines et même la nuit, ils dorment en plus ! Ça fait court, je trouve ! Est-ce que mes pensées peuvent arrêter de papillonner ?

Mon grand ennemi est la peur de voir souffrir et mourir ceux que j’aime. Vous le voyez bien, comme une fougère, je penche la tête. En fin de compte, j’aurais peut-être dû parler de Céline, aux JO de Paris !

Chaque jour est un bonus de la vie. Une caresse sur du papier de soie fripé.