lundi 24 janvier 2022

La mémé retraitée



Crédit photo: Site Freepik 

Lorsque l'on vieillit, est-ce qu'on change vraiment ? Un peu, beaucoup, passionnément ? Dans mon cas, la retraite au chalet se savoure à la vitesse d’une tortue dans le froid sibérien du Québec. Avant, j’avais la sensation d’être dans une tornade, un gros cumulonimbus sans fin. Il a fallu que j’arrête pour sentir et apprécier la différence et elle est immense, croyez-moi !

Comme aurait dit mon adorable mère, le matin, il ne faut pas me pousser dans le dos, je m'y projette moi-même à chaque battement d’ailes. La retraite, c’est indubitablement une Dolce Vita, en tout cas la mienne. Accompagnée d’un bon café avec refile, je butine les réseaux sociaux, puis j'écris mon roman avec ou sans inspiration. Je suis rendue à cent pages, je vise le deux cent cinquante, aucune date butoir pour y arriver, sauf celle de ma mort que je veux tardive. Le jeudi, j'ai mon cours en littérature à l'Université Laval, celle du 3ème âge, ça existe vraiment ! Sur vingt personnes, deux hommes et dix-huit femmes, la majorité avec de beaux cheveux blancs qui les auréolent dans la lumière bleue de mon écran. La semaine passée, j’ai appris qu’on ne peut pas écrire : Elle se sent triste. Il faut amener le sentiment sans le nommer. Nous avons deux petits ateliers d’écriture spontanée, une méthode qui viole ma vitesse de croisière de nouvelle retraitée. Alors, je triche. Cette semaine, j’ai préparé en avance mes textes. Le stress de performance m’a habité toute ma vie, je n’en veux plus ! Je deviens la mémé délinquante ! 

Dernièrement, j'ai repris le crayon de plomb comme dans ma jeunesse. En mode pause, je vis dans un autre monde. J’ai l’impression de rajeunir avec l’odeur du papier et de la mine HB2. Je sniffe pas de colle, soyez sans crainte. 

Vers 11 heures, c'est la marche santé rapide pendant 60 minutes avec mon conjoint. Encore là, Les reptiles que nous sommes se dandinent à la compagne. Vous saviez qu’une tortue est un reptile qui existait avant les dinosaures ? Pas moi, je continue. Bref, des fois on trottine reptilien aussi, et c’est bien acceptable. En pandémie, Monsieur le marquis, aussi à la retraite, est devenu mon siamois sans les caprices de l'animal. Bonne bouffe, rendez-vous, commissions, entretien du chalet, projet rénovations, lectures, généalogie, TOU.TV, Netflix, sont toujours appréciés. La tortue vaccinée jubile de gratitude, faut juste ne pas trop écouter les mauvaises nouvelles à la télé.

Est-ce que l’on change en vieillissant ? Sur certains aspects, la réponse est affirmative, on vise à devenir un bon vin, en espérant se bonifier au lieu de se vinaigrer. Ma retraite permet de retrouver ma véritable essence, celle de l’artiste, qui s’était peu à peu effacée. Il y a des mémés tortues herbivores, omnivores, carnivores. Moi, je suis la mémé artistevore et comment est la vôtre ?

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