J’ai de la chance, c’est certain. Celle d’avoir dans mon
entourage une ancienne portraitiste professionnelle qui, avant sa retraite, dessinait
le visage de nombreux visiteurs dans une ruelle adjacente à la rue du Trésor à
Québec. À mon humble avis, cet endroit touristique a été calqué afin de
ressembler au quartier animé de Montparnasse à Paris. Une bien minuscule et pâle
copie que les voyageurs savourent quand même sans rechigner. Je ferme la
parenthèse et je poursuis, là n’est pas le sujet. J'aime tourbillonner.
Mon amie a été professeur à la Maison des Métiers d’Art de
Québec et partageait son savoir dans un cours de dessin d’observation. À
sa dernière visite chez moi, elle m’a laissé un document qui parle de dessiner
avec son cerveau droit, d’après le livre et la vision de la papesse dans ce
domaine : Betty Edwards. Entre vous et moi, les seules Betty qui me sont venues
en tête étaient : Betty Davis, une ancienne actrice américaine, le personnage de
la BD ARCHIE et les recettes de cuisine de Betty Crocker. Je tourbillonne fort aujourd'hui !
Je reproduis des portraits à l’instinct. J’ai beau essayer en
prenant des mesures comme il est enseigné dans les tutorats sur YouTube, je m’y
perds. Seul mon pif s’impose et refuse que j’utilise les formes géométriques.
Il veut être libre et m’ordonne de laisser glisser mon crayon sans trop
réfléchir et… je l’écoute. À chaque fois, j’ai le cerveau vaseux, dans un état
second, voire méditatif. Quel bonheur !
Après lecture du document, j’ai retenu que la main gauche est
reliée à l’hémisphère droit et la main droite à l’hémisphère gauche (je ne m’en
souvenais plus du tout) et que pour dessiner, il faut débrancher notre cerveau
gauche (rationnel, analytique) et employer le droit (intuitif et global). C’est
ce que le mien arrive à faire naturellement si je laisse toute la place au
plaisir et non à la performance. C’est fou comme la peur de ne pas réussir peut
me bloquer et ma bête noire s’appelle : les dents !
Toujours à sa dernière visite, l’ancienne portraitiste me demanda, en observant mes dessins déposés un peu partout sur la table :
— Pourquoi tu ne dessines pas les dents dans tes portraits ?
Ils ont tous la bouche fermée.
— Trop difficile. J’ai déjà essayé. Je n’y arrive pas. Les
dents me stressent.
Elle releva lentement la tête et son regard me dévisagea.
— Nicole, des dents ne sont que des courbes et les
courbes ne mordent pas.
Je médite encore là-dessus…
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