lundi 12 novembre 2018

Lettre d'adieu à M. Bernard Landry



Crédit photo: Annik MH de Carufel

Cher Monsieur Landry,

Demain seront vos funérailles d’État. Ex-premier ministre du Québec de 2001-2003, la mort est venue vous chercher le 6 novembre dernier. Économiste, professeur, chef du Parti québécois, grand indépendantiste, ministre-orchestre qui a cumulé plusieurs ministères dont l’exploit notamment de la Paix des braves* avec les Cris, ciel que vous en a fait des choses ! Vieillir, c’est voir partir de grands hommes qui ne peuvent pas être facilement remplacés parce que la noblesse et le panache, ça s’acquièrent avec le temps et les actions qui vont avec.

Alors ce soir, je me questionne. Le PQ changera-t-il de nom ou disparaîtra-t-il tout simplement ?  Je n’ai pas votre optimisme inébranlable.  Je vais vous donner le goût de revenir sur terre juste pour me convaincre, j’en aurais besoin !

Vous ne le savez pas mais j’ai toujours voté fièrement pour le Parti québécois, trente huit ans de loyauté, c’est pas rien !   malgré mon paradoxe d’aimer la monarchie (glamour), j’ai toujours été fidèle envers ma culture, mon Parti, mon Québec, mais tout ce beau monde change, je ne les reconnais plus.  Comme vous aimez le latin, et comme vous le savez, le mot ‘’province’’ désigne un territoire vaincu (pro vincere), et je trouve que le Québec s’assimile justement trop facilement aux autres provinces canadiennes.  Ma culture s’anglicise malgré la loi 101. Montréal est de plus en plus anglophone. Y Parlerons-nous encore français dans 25 ans ? J’en doute. Et puis, il y a les changements climatiques. Il y a des priorités qui s’imposent.  Nous pourrions faire les deux, il me semble.  

Ma langue se meurt tout doucement, subtilement, en même temps que votre départ et de cette époque, celle du cours classique. Là où l'on dispensait un enseignement littéraire allant de la grammaire, à la rhétorique en passant par la philosophie et les sciences.  Les temps changent et la qualité s’atténue.  

Vous dire, bien triste que le clonage n’existe pas encore, au lieu de ça, il y aura une rue, un édifice, une statue à votre nom et un jour, on le changera pour un autre nom. Heureusement, vos écrits resteront. Vous étiez un auteur très prolifique.  Or, dans cinquante ans, vous lira-t-on encore en français au Québec ?  

Alors bien humblement, merci pour vos réalisations et les sacrifices d’une vie publique au service du Québec, votre patrie.  Je vous revois demain soir, le 13 novembre à TVA, lors de la diffusion du documentaire À hauteur d’homme réalisé par J-Claude Labrecque.  Une incursion dans votre vie politique et publique de 2003.  Saluez Messieurs Lévesque et Parizeau pour moi, gratias multas.  Sans vous trois, nous devenons de jour en jour, une banale pro vincere… Je vous l’avais dit que je n'ai pas votre optimisme !


* signée avec les Cris en 2002 (4,5 milliards de dollars aux Cris de la Baie-James ainsi qu’une autonomie accrue en échange de la fin de certaines revendications territoriales).



2 commentaires:

mum a dit...

quel beau texte et quelle tristesse de voir le français s'évanouir de cette belle province... courage ... il faut perpétuer la langue si belle et si chaleureuse chez vous

Nicole a dit...

L'importance de préserver la langue n'est pas au rendez-vous pour la jeune génération. Nos jeunes pensent mondialisation (en anglais) et ne voient pas l'importance de la préserver. En premier, c'est l'environnement qui les préoccupe (bien d'accord), mais ils pensent aussi que le français est maintenant protégé au Québec par la loi 101 depuis des lunes et que ça fonctionne bien comme cela. Plus besoin de faire des efforts pour la protection de notre langue. Ce qui arrive en Ontario actuellement prouve qu'il ne faut pas baisser les bras. Nous sommes une minorité et il faut continuer de protéger la langue française. Nos acquis diminuent, on le voit bien si on se rend à Montréal. On nous parle en anglais avant de nous parler en français. Nos jeunes sont majoritairement bilingues, ça ne les offusque pas, c'est normal pour eux, mais pas pour ma génération qui s'est battue pour la protection du français au Québec. Merci de ton commentaire et de me lire aussi ! Bonne année 2019 ! Santé,harmonie et paix ! :)