(Fallait bien que je reste incognito ! :) )
Il faut que j’écrive. Vite, ouvre-toi mon portable adoré !
Est-ce que mes yeux et ses nombreux corps flottants vont m’en donner
l’autorisation ? Il y a deux jours, le goût m’en est venu à la sortie de la douche. Depuis, je me sens comme une femme enceinte qui
veut absolument son cornet de crème glacée aux saveurs bizarroïdes de chocolat
et de cornichon à 3 heures du matin. Qu’est-il arrivé de si inspirant pour
me redonner l’étincelle d’écrire ? Vous vous souvenez de Monsieur le Marquis ?
L’homme de ma vie depuis quarante ans. C’est lui, le coquin, l’allumeur, il m’a
fait rire. Quel pouvoir !
Je vous raconte…
Le marquis s’était allongé sur son fauteuil Bergère
inclinable, blanc cassé avec le « pitonneux » (la télécommande) dans sa main
droite. Allait-il s’y endormir encore une fois ? Dans 30 minutes, dans une
heure ? Bref, ce n’était pas important, car je tournais en rond dans ma petite
cuisine telle une vieille et nonchalante lionne en cage. J’étais à la recherche
de ma bouteille (thermos) d’eau, mon indispensable.
— Chéri (ai-je vraiment dit : « chéri », oui, c’est tellement
joli).
— Quoi ?
— Tu écoutes quoi ?
— Tu le vois bien, le tennis.
— Et qui jouent ?
— Rublev contre Popyrin.
— J’connais pas. Enfin ! J’ai trouvé ma bouteille, mon
biberon ! Tu sais, avant, je pouvais boire l’eau tiède, presque chaude. Avant, je
n’avais pas de bouffées de chaleur. Je supportais la canicule de l’été si
facilement, alors l’an prochain, on achètera un climatiseur. Je change, je
change… Je deviens une vraie princesse !
Pourquoi je dis tout haut ce qui me passe par la tête ?
Pourquoi je ne me ferme pas le clapet ?
— Princesse ? Non. Je dirais plutôt une reine ! Le ton du
marquis était assuré tel un connaisseur de grands vins.
— Et que tu es drôle (je me suis vraiment esclaffée) ! J’avoue,
j’ai peut-être trop été élevée dans de la ouate.
— Moi, je suis le marquis. Je reste le marquis, toujours
le marquis et tes souhaits de reine se doivent d’être comblés !
— Merci Monsieur le Marquis ! Tu viens de me donner le
goût d’écrire sur mon blogue !
— Ah non, pas encore le marquis sur ton blogue !
Oublie-moi !
— Pas question ! Faut que je prenne l’inspiration où
elle arrive. Elle se fait si rare.
— Va lire, pas écrire ! T’as pas une brique de Pancol de
760 pages à finir ?
— Oui, mais avant, je vais écrire !
— Je m’en fous ! Va, va…
Voilà. Je me suis couchée dans mon lit, les jambes repliées sur
mon bedon, crayon au plomb dans ma main droite glissant sur une pile de feuilles lignées.
Puis un brouillon émergea rapidement.
La porte coulissante en bois de grange entre la chambre et le
salon étant ouverte, j’ai ajouté :
— Je m’amuse à faire des recherches sur Google. Savais-tu
qu’à un certain âge, l’abeille reine, qui n’est plus féconde, sera chassée,
même tuée par les autres abeilles ? Les vilaines s’en choisiront une autre pour
survivre. Pauvre abeille reine ! allez, tu es vieille, on ne te veut plus !
Es-tu là ? Tu dors ?
— Non, mais ça ne sera pas long. Ouais, surprenant. Il y
a de la hiérarchie partout, pas juste chez les humains. Je dirais que c’est une
question de survie, c’est tout.
— Oui, je sais, mais c’est triste quand même pour la doyenne.
Je suis repartie dans mes recherches et le silence
s’intensifia. Monsieur le marquis roupillait sur sa chaise comme un gros bébé
avec les lumières et la télé allumées. Il n’est pas douillet, il dort n’importe
où. La reine, elle, c’est autre chose. Elle a retrouvé son sourire comme les
mots sur son clavier. Ce n’est pas rien pour la reine de rien.